Non, un agent public victime d'un harcèlement moral reconnu par le juge administratif n'a droit exclusivement qu'à l'indemnisation du préjudice lié directement à ce harcèlement.
-Un agent public hospitalier s'est vue reconnaître par le juge administratif le harcèlement moral exercé contre elle par son directeur, celui-ci ayant cherché à organiser, par son management agressif et directif et le ton inapproprié employé vis-à-vis de sa subordonnée, son insuffisance professionnelle (Cour administrative d'appel de Lyon, N°22LY03696 du 9 octobre 2024).
L'organisation de l'insuffisance professionnelle de cet agent consistait alors en :
-user d'un ton agacé voire agressif dans ses échanges avec sa subordonnée à plusieurs dates (au moins 9 fois)
-1) l'obligation imposée à sa subordonnée de solliciter régulièrement l'accord de son supérieur, et ce même pour des domaines relevant de sa compétence et la mise à l'écart de certains échanges relevant de son poste,
-2) l'instauration d'un climat de travail tendu et délétère avec sa subordonnée, cette dernière vivant dans la crainte des invectives de son directeur harceleur,
-3) le fait pour le directeur de supprimer sa subordonnée de la liste des destinataires de ses messages électroniques qui concernaient ses missions et en supprimant son accès à sa messagerie professionnelle alors qu'elle était en arrêt maladie et ce sans en être alertée,
-4) le fait pour ce même directeur de la convoquer à un entretien professionnel alors qu'il lui avait supprimé son accès à la messagerie et de reporter plusieurs fois cet entretien pour au final convoquer sa subordonnée par convocation orale du même jour que ledit entretien.
A sa décharge, le directeur reconnait des maladresses dans certaines de ses attitudes et de ses réponses, soutenant que l'insuffisance professionnelle de sa subordonnée, sans jamais s'entretenir avec elle autrement que par l'envoi de courriels mettant en cause sa compétence professionnelle, était justifié par l'entretien professionnel qu'il a finalement tenu avec elle, sans engager contre elle aucune procédure de licenciement à ce titre.
Le fin mot de l'histoire : le juge administratif reconnait le harcèlement moral dès lors que rien ne laisse à penser que les "les faits susvisés (1)+2)+3)+4) seraient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement" et que cette situation à "altéré la situation mentale" de la victime, ce qui suppose l'établissement de ce harcèlement par certificats et/ou expertises médicales.
L'intérêt de la décision est donc d'établir que le fait pour un directeur de harceler moralement sa subordonnée établit le harcèlement moral sur la base de critères managériaux, dès lors qu'il a tenté d'organiser sa prétendue insuffisance professionnelle, notamment pendant la période ou elle était absente du service, pendant son arrêt de travail pour cause de maladie.
Ainsi, le juge administratif met fin à la règle des absents qui auraient toujours tort tout en s'immisçant plus profondément dans le fonctionnement de l'administration, en contrôlant notamment les relations qui existaient entre le directeur et sa subordonnée.
Ce contrôle du harcèlement moral se rapproche alors du contrôle maximal, contrôle de l'opportunité des faits et de l'opportunité de l'attitude et des décisions du directeur et de sa victime harcelée.
Mais ce contrôle à une contrepartie ; la victime du harcèlement moral en l'espèce doit établir la réalité et la tangibilité de l'ensemble des éléments justifiant non pas le harcèlement moral, mais celle de l'indemnisation de l'ensemble des chefs de préjudices qu'elle demande à ce titre.
Là, le juge administratif s'en tient au principe de réalité en établissant que seuls les chefs de préjudices liées à ce harcèlement, la faute commise par l'établissement vis-à-vis de l'agent public harcelé, devaient être également directement à lui rattachable.
Or, qui dit préjudice dit faute ou mise en responsabilité directe de l'auteur de la faute, ce qu'il faut établir et prouver, le montant de l'indemnité donnée à l'agent public victime du harcèlement à lui donné devant le Tribunal administratif étant réduit en appel du fait de l'absence de lien entre certains chefs de préjudice et le harcèlement invoqué.
Cette décision marque par conséquent une grande avancée dans l'établissement du harcèlement moral reconnu vis-à-vis d'un agent public par l'établissement d'un contrôle de quasi opportunité des juges du fond de cette action, mais ne permet pas l'indemnisation à tout va des agents publics victimes dès lors qu'il leur appartient de chiffrer le montant de leur préjudice sur des éléments se rattachant toujours audit harcèlement (interdiction pour le juge de statuer ultra petita).
Le juge administratif, tout en rappelant que certains préjudices ne peuvent être indemnisés du fait de l'absence de lien direct entre le harcèlement invoqué et le caractère étranger audit harcèlement de leur survenance, précise néanmoins qu'il est prêt à contrôler de manière précise et fouillée la façon dont s'est exercé le harcèlement vis-à-vis de l'agent public, poussant ce contrôle jusqu'à vérifier précisément les échanges tenus entre un chef de service et ses subordonnés .
Commentaires
Rédigez votre commentaire :
Les réactions des internautes
<% comment.content %>
<% subcomment.content %>