Domaine public et copropriété privée : Le domaine public est exclusif ; état des lieux

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Le domaine public va faire ici l'objet de plusieurs articles, les premiers concernant la notion d'exclusivité de ce domaine et notamment les conséquences de cette exclusivité sur le droit privé immobilier et le droit privé de la propriété et de la copropriété.

Est exclusif ce qui n'appartient qu'à une seule personne, dans le cas présent à une personne publique (Etat, Collectivité territoriale, Etablissement public, ...), et ce qui n'admet aucun partage.

L'exclusivité du domaine public implique donc que les biens, immobiliers comme mobiliers, n'appartiennent qu'à une seule personne publique, et ne peuvent par conséquent coexister avec une propriété appartenant à une ou des personnes privées.

Une des décisions de référence confirmant cette exclusivité du domaine public des personnes publiques reste celle du Conseil d'Etat du 11 février 1994, N°109564, dit "Compagnie d'assurance la Préservatrice foncière" qui établit ce principe, négativement, en précisant que l'Etat, quand il acquiert un appartement dans une copropriété privée, ne peut revendiquer l'appartenance au domaine public de cet appartement, et qu'il doit se soumettre au régime de droit privé auquel est soumis cet appartement  ; ce bien de la personne publique relèvera alors de son domaine "privé" (de son domaine public).

Ce raisonnement est également valable si l'on remplace l'Etat par une commune, un département, une région ou une entreprise publique, toutes ces entités étant des personnes publiques.

Encore une distinction, me direz-vous, dans le domaine public ; réponse positive, dès lors qu'à côté, et non pas à l'intérieur, du domaine public des personnes publiques, existe également un domaine privé de ces mêmes personnes, ce domaine privé étant l'ensemble des biens immobiliers qui ne répondent pas, et c'est ici que le dossier se complique encore une fois, aux critères du droit public ou administratif, et qui relève donc de la compétence du juge judiciaire, et non de celle du juge administratif.


Un exemple illustre clairement l'intérêt de cette distinction : Monsieur le Sénateur J.L. MASSON, le 7 février 2002,  pose au gouvernement la question suivante : deux collectivités, deux communes par exemple, gèrent ensemble un immeuble comportant plusieurs lots, sous le régime de la loi du 10 juillet 1965, qui est la loi sur la copropriété.

Cet immeuble, comportant plusieurs lots, doit a priori faire partie du domaine public de ces communes, suivant la décision du Conseil d'Etat précitée du 11 février 1994. La loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété (soumise au droit privé) ne doit donc pas s'appliquer, puisqu'elle ne régit que le domaine privé et non le domaine public de ces communes.

Or le gouvernement,  en la personne du Ministre du logement, renverse cette logique en expliquant que, puisqu'elles gèrent ensemble cet immeuble, ces deux communes se placent de facto sous le régime de droit privé de la copropriété régit par la loi du 10 juillet 1965, et qu'à ce titre, leur domaine public, constitué par les lots qui leur appartiennent respectivement à chacune d'elles dans cet immeuble, appartient à leur domaine privé et non à leur domaine public.

Un bien du domaine public d'une personne publique installé dans une copropriété privée ne peut donc relever du domaine public de cette personne publique et doit donc obéir aux prescriptions posées par la loi du 10 juillet 1965.

Sauf que rien n'oblige ces deux communes à respecter ces prescriptions.

Car la Cour d'appel de Chambéry pose, dans une décision N°15/01273 du 10 janvier 2017, qu'une commune disposant d'un domaine privé, une parcelle située dans un lot transitoire régit par la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété, peut utiliser ce lot transitoire pour en faire un espace public (parc de stationnement, marché hebdomadaire ou encore conteneurs à poubelle), faisant ainsi passer ce lot de son domaine privé à son domaine public, dès lors que le refus opposé à cette commune de transformer ce lot en espace public est contraire aux usages de la loi du 10 juillet 1965 précitée.

La transformation domaine public - domaine privé fonctionne donc dans les deux sens.

Pareillement, deux décisions du Conseil d'Etat, N°430192 du 23 janvier 2020 pour les Associations foncières libres (AFL) et N°432555 du 10 mars 2020 pour les Associations syndicales (AS), confirment que des biens immobiliers réunissant tous les critères de la domanialité publique font partie du domaine public de ces associations mais n'en constituent pas des dépendances, retirant la possibilité pour les biens des personnes publiques installées dans ces associations d'être gérés par elles, mais cela uniquement pour ce qui concerne l'hypothèque légale (article 19 de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété privée).

Ce problème, pourtant résolu par l'article 6 modifié de l'ordonnance 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux AFL qui pose que l'hypothèque légale ne s'applique pas aux personnes publiques membres des AFL dès lors que leurs immeubles appartiennent au domaine public, laisse toutefois toujours posée la question suivante : les personnes publiques détenant des biens dans une copropriété soumise à loi du 10 juillet 1965, dans une AFL ou dans une Association syndicale (AS),  sont elles soumises aux règles de gestion gouvernant la copropriété, compétence du juge judiciaire, ou à celle du droit administratif des biens  ; compétence du juge administratif ?

​​​​​​​C'est ce que nous pourrons voir lors du prochain article.

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